Ces journées d’études ont pour but d’aborder deux figures hybrides de la création contemporaine : l’architecte-cinéaste, qui emprunte au cinéma pour enrichir son approche de l’architecture, et le cinéaste-architecte, qui après des études d’architecture ou après s’être engagé professionnellement dans cette voie, se tourne vers le cinéma. L’influence du cinéma sur la pensée et la création en architecture, l’appréhension et l’intégration du dispositif et de l’écriture cinématographique par l’architecte méritent d’être réévaluées, ainsi que la place de l’architecture dans les pratiques cinématographiques. En quoi ces démarches, dont il s’agit d’évaluer l’importance et le sens, inventent-elles de nouveaux devenirs pour l’architecture et le cinéma ?

Il existe aujourd’hui de nombreux travaux sur les représentations de l’architecture et de la ville par le cinéma. L’ouvrage Visions urbaines : villes d’Europe à l’écran , l’exposition spectacle Cités-cinés en 1987, la manifestation « Réalités Urbaines » au centre Georges Pompidou en 1994, ou encore l’encyclopédie La ville au cinéma ont définitivement ouvert un champ qui depuis est régulièrement exploré. Le numéro 10 de la revue Théorème « Les Villes cinématographiques, Ciné-lieux » a poursuivi cet important travail de défrichage. L’étude des œuvres de Jacques Tati, Éric Rohmer ou encore Marco Ferreri a participé à une réévaluation historiographique de réalisations emblématiques comme les grands ensembles , les villes nouvelles ou les rénovations urbaines. Pour autant, afin de ne pas se limiter à une histoire des représentations, il s’agirait, dans une optique résolument interdisciplinaire croisant cinéma, l’architecture et histoire de l’art, d’identifier de nouvelles pistes de recherche. En effet, la manière dont l’architecte s’empare du cinéma a été peu examinée, tout comme la place qu’occupe l’architecture dans l’initiation au cinéma.

Ces interactions fécondes, inaugurées par les avant-gardes, n’ont pourtant cessé d’être visitées. Le recours de certains architectes au langage cinématographique pour renouveler leur art mériterait à ce titre d’être discuté et analysé. Le scénario, le regard et les mouvements de la caméra – suspens, travelling, panoramique, plongée, contre-plongée –, mais aussi les techniques du montage – raccord, séquence, champ-contrechamp, ponctuation, coupe – peuvent aussi se retrouver dans les conceptions architecturales et urbaines et parfois même contribuer à créer des “effets” architecturaux. On pourra citer en exemples les architectes Bernard Tschumi ou Yona Friedman, qui empruntent notamment à l’écriture scénaristique afin d’envisager une approche renouvelée du projet. 

Par ailleurs, le rôle que joue le document ne doit pas être négligé. Matériau indissociable à l’art du XXème siècle, il peut faire l’objet de multiples interprétations et recyclages. Si les voyages et les séjours d’étude sont des moments propices à l’expérimentation cinématographique, cet usage – qui pourrait se rapprocher du repérage du cinéaste – en partage le caractère instrumental et préparatoire. Le Corbusier, Pierre Parat ou Robert Venturi collectent les images, les témoignages, les impressions des lieux qu’ils visitent et qu’ils étudient à travers la lentille de leur caméra. Il adoptent alors, consciemment ou non, la méthode documentaire. 

Ainsi, comment un art est-il travaillé avec un autre art et en marge de celui-ci, que cela soit revendiqué ou au contraire de l’ordre d’un impensé ? Quels sont les écueils possibles de ces rencontres ? 

La réflexion mène à interroger l’autre versant du phénomène, c’est-à-dire le mouvement inverse entre cinéma et architecture : de nombreux cinéastes ont suivi des études d’architecture et ont parfois exercé cet art avant de s’en détourner. Sergueï M. Eisenstein, Fritz Lang, Michelangelo Antonioni, Nanni Moretti, Apichatpong Weerasethakul, Yasujiro Ozu, Amos Gitaï incarnent ce glissement de l'art de construire à celui de fabriquer des images. Il s’avère justement que les œuvres cinématographiques de chacun de ces créateurs éprouvent l'architecture, le bâti, dans son rapport au politique, au paysage, au lieu, à l’individu. Ces cinéastes éclairent la relation de l’homme aux espaces vécus, mémoriels, fantasmés et parfois rêvés. Il s’agira donc de questionner ce passage de l’architecture comme art de l’édification à sa mise en mouvement par le récit cinématographique. Comment saisir cette perméabilité, surtout lorsque celle-ci mène vers des voies nouvelles et contribue, par son caractère expérimental, à une “créativité indisciplinée” ? 

Ces thématiques nous invitent également à considérer l’enseignement de la vidéo dans les écoles. En quoi cette expérience peut-elle nourrir la formation de ces futurs architectes ? Leur regard s’en est-il trouvé modifié ? Comment l’espace cinématographique s’immisce-t-il dans une pratique de l’espace réel ?

En somme, comment s’opèrent les passages entre cinéma et architecture, et en quoi renouvellent-ils les pratiques architecturale et cinématographique ?

Modalités de soumission

L’appel à communication s’adresse aux s’adresse aux communautés scientifiques et pédagogiques des écoles d’architecture, de cinéma, des départements d’histoire et de théorie de l’art et d’études cinématographiques, ainsi qu’aux artistes, cinéastes et architectes dont la thématique de cette journée d’étude rejoint la pratique. Les approches nouvelles, les études ouvrant des perspectives stimulantes et les corpus originaux seront privilégiés. 

Les propositions seront adressées sous la forme d’un résumé d’un maximum de 2000 signes, mettant en évidence la problématique et la démarche. Ce texte sera accompagné d’une biographie, limitée à 400 signes et d’une bibliographie, limitée à 5 publications, du ou des auteurs. Le résumé sera transmis à l’adresse architecte.cineaste[at]gmail.com

Comité d’organisation : Arnaud François (ENSA Normandie), Marie Gaimard (ENSAPLV), Anne Philippe (ENSA Normandie), Barbara Turquier (Fémis), Marguerite Vappereau (université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)