Paris, 23-24 Mar 17

Restaurer ou réhabiliter l’architecture, XIXe-XXIe siècle. 

Une mise en perspective historiographique des pratiques et des représentations patrimoniales.

Ces dernières années, la problématique de la préservation de l’architecture du XXe siècle a préoccupé la communauté des historiens de l’architecture et des architectes. Pour citer un exemple récent, les XIXe Rencontres de la Fondation Le Corbusier ont été consacrées au thème de la restauration (2015), tandis que l’un des derniers numéros de la revue Tracés explorait – sur une suggestion de ses éditeurs invités Franz Graf et Giulia Marino – la question de la sauvegarde de l’architecture du XXe siècle, quelques mois seulement avant la tenue du XIVe congrès de Docomomo International consacré à la réutilisation et à l’adaptation du patrimoine issu du Mouvement Moderne (2016). Le cas de l’architecture du XXe siècle, en raison de sa faible ancienneté, de sa pérennité parfois fragile, et de sa présence massive dans les espaces urbanisés, est assurément spécifique, mais il est aussi un marqueur de l’évolution des pratiques et des représentations patrimoniales dans leur ensemble.

Pour ses deuxièmes Rencontres, l’AHA propose d’élargir cette réflexion à l’histoire des pratiques et représentations patrimoniales au XIXe siècle, adoptant de surcroît une perspective explicitement historiographique. Par ces choix, nous souhaitons poursuivre les discussions concernant l’historiographie de l’architecture, entamées lors des premières Rencontres en 2016.

Ces Rencontres 2017 proposent d’interroger ce que les pratiques de conservation – restauration et réhabilitation – apportent à l’histoire, et ce qu’en retour l’histoire peut leur apporter. Dans ce contexte, nous souhaiterions préciser les rapports qu’entretiennent les choix de sauvegarde avec la conception architecturale et avec les écritures de l’histoire de l’architecture, et ce que ces choix révèlent de l’évolution de la notion de patrimoine. En quoi, par exemple, la patrimonialisation actuelle des architectures des XIXe-XXe siècles diverge-t-elle des pratiques et des représentations qui prévalaient dans les années 1960 et 1970 ?

Nous souhaitons réfléchir autour de l’historiographie des pratiques et des représentations patrimoniales de l’architecture, des espaces urbains et des paysages des et aux XIXe, XXe et XXIe siècles, ce qui suppose une ouverture des débats aux spécialistes des périodes antérieures. Au demeurant, la porosité des pratiques d’une période aux précédentes, et la sédimentation contemporaine des édifices antérieurs à la Révolution, floutent dans les faits les distinctions d’époques.

Les Rencontres 2017 visent à analyser et à comparer les fondements des choix de sauvegarde, d’hier et d’aujourd’hui, afin d’explorer leurs liens avec l’histoire de l’architecture et la façon dont les questionnements et les réalisations pratiques se reflètent et modèlent l’historiographie.

Trois pistes de réflexion pourraient guider les propositions:

- Restaurer ou réhabiliter? 
Ces pratiques seront à aborder d’un point de vue conceptuel, afin de déterminer la manière dont elles constituent le critère et/ou le marqueur d’une vision historiographique. Car ces choix ne sont pas sans lien avec un certain déterminisme de l’écriture de l’histoire: hiérarchisation des programmes, des édifices, des espaces bâtis et des paysages, voire géopolitisation du récit. Peut-on dire que l’histoire actuelle de l’architecture serait surtout une histoire des objets architecturaux restaurés ou destinés à la restauration, ou s’élargit-elle sans problèmes épistémologiques insurmontables, aux espaces urbains et aux paysages?

- Sauvegarder l’ordinaire? 
L’architecture vernaculaire diffuse, notamment faubourienne des XIXe et XXe siècles, les lotissements urbains, balnéaires, suburbains et périurbains, les logements collectifs et notamment les grands ensembles, l’ordinaire en villes nouvelles: quelle place occupe l’architecture ordinaire dans la réflexion et les pratiques de conservation? Dans quelle mesure leur patrimonialisation est-elle nécessaire, souhaitable? Peut-on voir ces architectures comme un héritage durable, voire soutenable? Qu’est-ce qu’apporte l’histoire de l’architecture à ce type de lecture et de protection patrimoniale? À l’inverse: une telle protection peut-elle changer la manière dont se construit l’histoire de la banalité architecturale? Ce sont des questionnements qui prolongent ceux du programme de recherche lancé en 2016 par le ministère de la Culture et de la Communication, en partenariat avec le ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports et avec le ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer, sur «L’architecture du XXe siècle, matière à projet pour la ville durable du XXIe siècle».

- Vers une histoire de la restauration du béton armé. 
Les deux pistes précédentes s’ouvrant à la diversité des matériaux de l’époque contemporaine, l’historiographie architecturale de celle-ci se focalise souvent sur l’un de ses éléments phares: le béton armé. Nous proposons de regarder l’histoire de son utilisation, à travers celle de sa restauration, depuis les débuts de cette nouvelle pratique constructive dans le premier tiers du XIXe siècle, et aussi à travers les débats concernant son emploi dans la restauration des monuments pré-industriels. Ce regard rétrospectif à la veille du bicentenaire de la découverte du ciment par Louis Vicat serait l’occasion de faire le point sur l’avancée des recherches, presque vingt ans après la publication de «Béton et patrimoine» dans l’un des Cahiers de la section française de l’Icomos.